Découvertes livres

10 janvier 2008

Critique invité : Mokhtar Liamini, étudiant au doctorat en génie mécanique

Dictionnaire amoureux du vin, Bernard Pivot

Bernard Pivot est un journaliste littéraire très connu dans le paysage audiovisuel français, en particulier pour son émission Apostrophes, qui a accueilli les plus grands écrivains francophones. Il est aussi réputé pour sa redoutable dictée annuelle, rassemblant des centaines de candidats et abondamment diffusée sur les ondes des télévisions publiques françaises.

Le rapport avec le vin, me direz-vous? Eh bien dans le livre, on apprend que Bernard Pivot est tombé dedans quand il était petit du fait que sa mère possédait un vignoble dans la région lyonnaise. C'est aussi le vin qui a permis à l'auteur de devenir critique littéraire dans le Figaro. En effet, Bernard Pivot, qui se destinait au journalisme sportif, s'était présenté devant le rédacteur en chef du Figaro pour une place de critique littéraire faute de mieux. Après s'être quasiment décidé à le refuser du fait de son inculture littéraire avérée, le rédacteur en chef se ravisa quand il eut appris les origines beaujolaises de Pivot et après lui avoir fait promettre un 10 litres de vin.

Venons-en au livre lui-même! C'est une merveille qui se déguste avec délectation, que l'on soit ou non amateur de vin. Tout d'abord, les entrées de ce dictionnaire sont choisies très subjectivement par l'auteur. Il y a là-dedans de l'autobiographique, de l'historique, du religieux et surtout de la culture; car comme l'écrit si bien Bernard Pivot : «Le vin, c'est de la culture!»

Les sujets sont aussi divers que l'amour et le vin, les arômes, Bacchus, le Beaujolais, Bukowsky, les caves, le champagne, la dégustation, le goût de bouchon, le capitaine Haddock, l'islam et le vin, l'ivresse, le porto, Robespierre, le sexe et le vin, le tire-bouchon, Voltaire, le zinc et plein d'autres, classés en ordre alphabétique et traités avec beaucoup d'érudition et une bonne dose d'humour. La plupart des sujets se terminent par de courts paragraphes qui s'intitulent «Glouglou» contenant souvent des anecdotes savoureuses.

Mes passages préférés se trouvent dans la rubrique «Arômes» où l'humour bat son plein. Un sommelier y décrit ainsi un vin : «Nous sommes sur une gamme florale assez étendue et complexe où nous distinguons bien le tilleul, le jasmin, la capucine, l'angélique, l'acacia, la camomille, le mélilot, avec des touches de pivoine séchée et peut-être même de fleur de thuya… avec des notes assez franches dues à la roche granitique particulièrement bien exposée du sud-sud-est, de litchi, de mangue, de figue, de pamplemousse, à quoi nous ajouterons de la pomme caramélisée et la compote de prunes où un soupçon de cannelle et un rien de muscade se sont glissés en raison du bel ensoleillement des vendanges.» Certains sommeliers exagèrent! Mais on apprend que le catalogue des arômes est plus vaste que celui des mots utilisés pour les décrire : de la groseille au tabac, de la myrtille à la truffe, de la banane au pain grillé, de la pierre à fusil au pipi de chat, de l'herbe coupée au bonbon anglais. Et comble du raffinement : l'embrocation solaire et le lacet mouillé.

Vous l'aurez compris, c'est un superbe livre pour les soirées d'hiver enneigées. Il est relativement long, 460 bonnes pages, mais il peut être lu dans le désordre ou partiellement comme tout bon dictionnaire. J'ai trouvé par contre que l'auteur abuse parfois de longues parenthèses qui font perdre le fil, mais le style d'écriture est dans l'ensemble excellent. Autre chose, en dehors du xérès et du porto, les vins étrangers ne sont absolument pas évoqués et Bernard Pivot a tôt fait de déclarer un vin meilleur du monde aussitôt qu'il est reconnu comme le meilleur de France de sa catégorie. Vaste sujet de discussion, où chacun devra, suprême sacrilège, mettre de l'eau dans son vin!

Cerise sur le gâteau, les Dictionnaires amoureux constituent une collection recélant des sujets aussi divers que le rock, l'Espagne, le rugby, le golf, l'islam, la science, etc. Ils sont édités par Plon et s'ils sont aussi délectables que celui du vin, ça ferait une sacrée collection à avoir dans sa bibliothèque.

En collaboration avec :